Musée Zadkine

Visite de sensibilisation

L’équipe de SAMA For All a assisté à une visite de sensibilisation au Musée Zadkine, afin de préparer sa future venue avec les apprenant·es.

Cette visite a été l’occasion de découvrir l’atelier et maison du sculpteur, un intime lieu de vie et de création dans le 6e arrondissement de Paris, reflet du « Montparnasse des artistes » du début du XXe siècle.

Le « Montparnasse des artistes »

À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le quartier de Montparnasse était le lieu de rencontre du monde artistique et intellectuel. Les artistes y vivaient, ou s’y retrouvaient pour travailler ensemble, au cœur de l’effervescence culturelle parisienne.

C’est le cas de Zadkine, Modiglinani, Chagall, et bien d’autres, qui vécurent à Montparnasse une vie de bohème avant de devenir célèbres.

https://www.mahj.org/fr/programme/le-montparnasse-des-artistes-75436)

  • Zadkine, l’un des grands noms de la sculpture du XXe siècle

Ossip Zadkine (1888-1967) est né en Russie, le 4 juillet 1888, à Vitebsk (actuelle Biélorussie). Il grandit dans un environnement marqué par la Daugava (fleuve qui traverse la Lettonie, la Biélorussie et la Russie) et les forêts, et construit un rapport particulier à la nature.

Dès 12 ans, il découvre le modelage, et commence à travailler la terre glaise.

En 1905, Zadkine est envoyé en Angleterre, où il commence un cursus à l’École d’art de Sunderland (au Nord-Est de l’Angleterre), et s’initie à la sculpture sur bois. L’année suivante, il suit un ami jusqu’à Londres, où il travaillera avec divers·es artisan·es pour subvenir à ses besoins.

Quelques années plus tard, il entame son travail de sculpture en taille directe, alors qu’il est de retour en Russie.

La taille directe est une technique de sculpture par laquelle l’artiste découpe directement un bloc brut de pierre, de marbre, de bois, d’ivoire, d’os, ou de corde, à l’aide de divers matériaux, pour faire émerger la forme. (D’après Sophie Couturier, « L’art de la taille directe de l’Antiquité au XX° siècle », https://www.expertisez.com/magazine/)

C’est en 1910 qu’Ossip Zadkine arrive à Paris, dans le quartier latin. Il fréquentera l’École des Beaux-Arts pour 6 mois, avant de se consacrer pleinement à sa pratique en dehors de l’institution.

  • La collection permanente

La conférencière a présenté l’œuvre d’Ossip Zadkine (1888-1967), entre travail du bois, de la pierre et du bronze.

Les premières œuvres exposées, travaillées en taille directe, reflètent l’intérêt de Zadkine pour les arts premiers.

Les arts premiers

Les arts des peuples premiers – ou dits primitifs – ont une fonction d’utilité. Dessins et sculptures sont considérés comme des créations magiques, des objets de protection (E.H. Gombrich, Histoire de l’Art, Phaidon, 2001, 688 p.).

Le « primitif » est entendu comme plus près du point de départ commun à toute l’humanité, c’est le contraire du « moderne », au sens situé de l’Europe occidentale.

Le terme « primitivisme » est apparu à la fin du XIXe siècle. C’est un terme qui qualifie d’abord des objets américains, africains ou océaniens, vus depuis l’Occident. Il y a un jugement moral et esthétique, à l’égard des œuvres d’art primitif au moment où elles apparaissent en Europe au début du XXe siècle.

Il n’y a pas de primitivisme sans l’afflux d’objets d’art en provenance d’Afrique ou d’Océanie. Cet afflux s’est déroulé avec la colonisation, ce qui signifie aussi d’innombrables pillages à l’encontre de ces artistes. (Philippe Dagen, « L’art primitif, un art moderne ? », France Culture, 2019).

  • Les années 1920-25 et le cubisme

Le sculpteur va aussi accorder, notamment au cours de sa période cubiste des années 1920, une attention particulière pour les modes de représentation des corps humains. Il s’attache à casser les canons, grâce à une approche particulière du volume, avec très peu de détails.

Le cubisme

Le cubisme est l’un des grands mouvements modernes du début du XXe siècle.

Élaboré, sous l’influence de Cézanne, par Pablo Picasso et Georges Braque, le cubisme s’est construit dans un milieu restreint, avant d’intéresser de nombreux peintres.

Le cubisme propose une déconstruction du réel, cependant jamais abstraite. Les sujets sont souvent empruntés au quotidien. Le propos du cubisme n’est pas de supprimer la représentation, mais de la transformer. Les artistes cubistes invitent à voir la nature sous des formes géométriques.

La « Grande Porteuse D’eau » s’impose dans la seconde salle traversée. Elle côtoie une photographie de l’artiste qui pose auprès de cette majestueuse pièce de près de 3 mètres de haut.

En décomposant l’espace, les volumes, Zadkine propose une autre lecture des corps, avec des portraits souvent très découpés, des formes géométriques. Le sculpteur aime jouer avec les défauts des matériaux qu’il utilise. Il pratique une sculpture principalement à l’extérieur des volumes, sans trop rentrer dans la matière travaillée.

Zadkine, « Rebecca ou La grande porteuse d’eau », 1927, Legs Valentine Prax, Plâtre peint.

L’Accordéoniste » est une œuvre moulée. Elle montre une orientation cubiste. Zadkine a reconnu l’influence de la peinture de Picasso et de Braque sur son travail.

L’accordéon, par son jeu de lignes, vient rythmer la composition et souligne l’effet de géométrisation.

Cette pièce marque le point le plus extrême jusqu’où le sculpteur s’est avancé dans le cubisme. La rigueur formelle de l’œuvre est déterminée par l’introduction de l’accordéon, accessoire typiquement cubiste, dont il retrace la géométrie des formes sur l’ensemble de la figure humaine.

Zadkine, « L’Accordéoniste », 1922 – 1926, Bronze, épreuve 2/5, Susse fondeur, Paris

© Fr. Cochennec et E. Emo / Musée Zadkine / Roger-Viollet

  • Le jardin et ses œuvres modelées

La visite se poursuit par un passage dans le jardin de l’atelier-musée, espace dans lequel s’élèvent des sculptures de bronze de l’artiste, réalisées à partir d’œuvres modelées. Se retrouvent les thématiques du bois, de la forêt et de la croissance, caractéristiques de l’œuvre du sculpteur.

Zadkine, entre 1926 et 1941, va effectuer des modèles en plâtre ou en terre, qui seront ensuite coulés dans le bronze.

Il développe alors des pièces dans lesquelles fusionnent l’humain et le végétal, et donne naissance à des œuvres monumentales.  

Zadkine crée « La Forêt humaine » au retour de son exil aux États-Unis.

Il travaille alors l’enchevêtrement des éléments végétaux et humains, jouant des vides et des pleins, des formes qui s’opposent ou se complètent. C’est l’idée d’une nature imbriquée avec un groupe de personnages, liés les un·es aux autres par des végétaux.

Apparaît plus tard un intérêt pour les sujets mythologiques, avec des œuvres comme la « Naissance de Vénus » ou « Orphée ».

Zadkine est par ailleurs considéré comme un précurseur de l’introduction de l’art moderne dans l’espace public.

Zadkine, « Orphée », 1956, Bronze, épreuve 1/6, Susse fondeur, Paris, Musée Zadkine, Jardin

Le souvenir des villes détruites par la guerre – Le Havre, Rotterdam – l’engage sur le projet de monument de « La ville détruite ». La municipalité de Rotterdam (Pays-Bas) lui passe commande de ce monument en 1950.

Au total, l’œuvre sculptée de Zadkine compte 593 sculptures : bois (131), pierres et marbres (112), terres (132), plâtres et bronzes.

Ses mémoires sont publiées dans l’ouvrage Le maillet et le ciseau : souvenirs de ma vie, Albin Michel, 1968, 224 pages.